Violaine Boutet de Monvel

Art writer & translator | Lecturer & PhD candidate

De la cybernétique à l’intelligence artificielle : quelles icônes pour l’agentivité vidéo 

Communication dans le cadre du séminaire IMAGO, École normale supérieure, 11 avril 2022, 17h-19h.

Dès 1963 en Europe puis aux États-Unis, deux artistes Fluxus – le Sud-Coréen Nam June Paik et l’Allemand Wolf Vostell – abordèrent de primeur l’image électronique en s’en prenant directement au poste de télévision, l’intrusion et le détournement duquel en situation d’exposition virent les prémices de ce qui allait devenir la discipline historique de l’art vidéo. En perturbant volontairement le signal d’émissions en cours de diffusion, ils pavèrent la voie vers l’examen formaliste et phénoménologique de la vidéo primitive, analogique, et érigèrent les fondations d’une nouvelle pratique expérimentale de l’image en mouvement révolutionnée par la cybernétique, sous le prisme de l’agentivité de ce médium comme des participants.

Telle qu’introduite en 1948 par le mathématicien américain Norbert, la cybernétique stipulait en effet que le mécanisme derrière le maintien de tout système biologique était lefeedback, par définition un processus d’autorégulation dans lequel un effet intervient aussi comme agent causal sur sa propre origine. Cette science comparative des êtres vivants et des machines en vint alors à chercher les moyens d’automatiser ce processus afin de créer des engins capables de s’autogouverner, à l’origine des réseaux de neurones informatiques qui débouchèrent sur l’intelligence artificielle.

À la lumière de ces enjeux historiques et des développements fulgurants de l’intelligence artificielle au 21ème siècle que cette communication propose à l’analyse comparée au carrefour de l’histoire de l’art et de la théorie des médias, est-il possible qu’une technologie – celle de l’image électronique par l’intermédiaire de la télévision, de la vidéo, puis des réseaux antagonistes génératifs (GANs) – ait su susciter une ou des icône(s) spécifique(s) comme l’ont été, par exemple, la ruine au romantisme ou encore la Vierge à l’Enfant au christianisme, quoi qu’il en soit des canons dont la nature électrique même du mode de diffusion dote déjà à elle seule du pouvoir de voyager à la vitesse de la lumière, par-delà les continents et en deçà de l’imaginaire d’un artiste donné ou du rayonnement de son influence propre ?