Benjamin Sabatier – Inventaire

Monographie publiée par Anamosa (Paris), 2022.

Tout en témoignant d’un esprit joueur qui n’est pas sans rappeler celui de Robert Filliou, Peter Fischli et David Weiss, ou même Roman Signer, Sabatier a ainsi infligé un sens du travail assez intense à ses œuvres sculpturales jusqu’au milieu des années 2010, peut-être un peu déçu, façon de parler, par ses collectionneurs qui ne faisaient pas ses kits ou ses spectateurs qui ne le plagiaient pas. Cependant, au-delà du sang, de la sueur et des larmes, son dévouement aux fournitures de chantier tout au long de cette période fait également écho au concept de sculpture sociale de Joseph Beuys ou au potentiel de l’art à transformer la société, c’est-à-dire ce que l’artiste lui-même appelle « l’auto-construction ». (Il a d’ailleurs fait plus directement allusion au programme écologique de Beuys à travers Cover (2010-), une série d’assemblages muraux de feutres textiles autrement utilisés pour couvrir les marchandises lors de leur transport.) Parce que ces matériaux et outils sont les symboles par excellence du travail manuel et des gestes aliénants, ils sont devenus les pierres de touche de la pratique actuelle de Sabatier et leur appropriation créative l’ultime remède contre l’exploitation, vers la réalisation de soi.

Extrait, p. 73.